Le tapa, écorce battue du Pacifique
Cette écorce battue provient de différents arbres de la famille des Moracées, dont font partie le murier à papier, l’arbre à pain et le ficus. Le tapa est donc constitué de liber (l’écorce interne) arrachée en un seul morceau au tronc, battue en milieu humide par les femmes avec un battoir quadrangulaire en bois sur une enclume en pierre. Sous l’écrasement du battoir, les fibres végétales s’allongent et s’emmêlent en bandes plus ou moins larges et épaisses selon le temps de battage. Ces bandes, à la fois souples et solides, sont ensuite collées les unes aux autres pour obtenir de plus grandes unités. Puis, le produit obtenu est alors décoré à la main, par estampage. Il peut servir de vêtements, de tapis, ou de décoration de boucliers par exemple.
La qualité du tapa, sa blancheur et sa souplesse sont autant de marqueurs sociaux dans des sociétés particulièrement hiérarchisées où le rang et le prestige de chacun se doit d’être montré avec ostentation.
Plus qu’une simple étoffe, le tapa implique une fonction symbolique profonde entre les Dieux et les Hommes. Des symboles exprimés à travers les rôles cérémoniels et rituels du tapa. A Fidji par exemple, le tapa est le chemin foulé qui protège l’accès au rang de chefs. Ainsi, encore aujourd’hui à Tonga, un long tapa est déroulé sous les pas du souverain lors des cérémonies officielles.
Peu à peu, la christianisation fera disparaître ces vêtements et leurs symbolismes. Après être passé près de l’extinction, le tapa connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, principalement à des fins touristiques. Fleurissent ainsi des tapa modernes recouverts de dessins types tatouages océaniens, ou encore ces faux tapa, doublés de viseline industrielle, que l’on nomme dans les îles « le tapa mensonge ».
Pour l’anecdote, certains journaux océaniens, comme le Fidji Times, furent imprimés à la fin du XIXème siècle sur tapa, et non sur papier. Ce en raison de la pénurie de papier qui précède l’industrialisation de l’activité papetière.
Notons qu’il existe depuis 2014 un Festival du tapa, qui réunit l’ensemble les fabricants de tapa et les spécialistes, venus des îles du Pacifique dans lesquels cette tradition perdure.
Si vous passez par la papeterie Pasdeloup, nous pourrons vous montrer du tapa de Tonga !
Le papyrus égyptien
La plus ancienne trace archéologique du papyrus date de 2800 avant notre ère et consiste en un morceau de papyrus non-écrit retrouvé dans une tombe. Le plus ancien écrit en revanche date de 2400 av J-C : il s’agit du papyrus d’Abousir, qui est tout simplement un extrait de comptabilité.
Contrairement à une idée tenace qui limite le papyrus au royaume des pharaons, ce support fut utilisé dans tout le bassin méditerranéen. On retrouve ainsi des écrits en arabe, grec, copte, farsi, hébreux et latin. Il fut d’ailleurs utilisé en Europe jusqu’au XIème siècle. Un document notarié en papyrus datant du XVIIIème siècle fut même retrouvé en Italie du sud.
Malheureusement, il n’existe aucune source égyptienne sur sa technique de fabrication. Nous n’avons connaissance que de deux textes qui la décrivent : un de Pline et un autre d’un botaniste arabe, Abou’l-Abbas En-Nebaty, cité dans le Traité des simples d’Ibn el Beithar.
Le principe de fabrication : Le roseau est coupé en bandes de haut en bas, qui sont mises côte à côte et légèrement superposées sur une planche en bois. Le tout est humidifié et battu au maillet avant d’être encollé.
L’amate sud-américain
Le mot amate vient du Nahuatl « Amatl». Il s’agit d’un support de fibres végétales battues similaire au tapa océanien. Sa production débute aux alentours de 500 av J-C et vient de la civilisation Maya. Un premier livre (toltèque) semble daté de 660 ap J-C. A l’époque de la conquête espagnole, on dénombrera une quarantaine de sites de production d’amate, qui produisent un support servant principalement à la liturgie et la bureaucratie. Les textes sont écrits par des nobles et des religieux (les tlacuiloani), et les ouvrages regroupés dans des bibliothèques.
La fabrication de l’amate vient du ficus principalement. Le procédé est le même que celui des autres protopapiers : rouissage, battage, puis séchage. Peut-être une macération ou une cuisson alcaline (afin d’isoler la cellulose), mais rien n’est certain, tant les sources manquent. L’amate reçoit un traitement de surface (un encollage à l’aide d’une gomme suivi d’un polissage). Il est formé de bandes pliées horizontalement, reliées avec des planches de bois en couverture, ornées de pierres précieuses. Le livre le plus célèbre en amate est sans nul doute le Codex Borbonicus, conservé à la bibliothèque de l’Assemblée nationale, à Paris. Ce codex est remarquable par son format imposant (39 × 40 cm) et sa longueur : déplié, l’ensemble de ses 36 pages mesure un peu plus de 14 mètres !
Sources : Marie-Claire Bataille Benguigui, Ségolène Walle, Eve Menei, Paulina Munoz del Campo